L’art Gnaoua, berceau de l’humanité, est à l’image de toutes les musiques du monde ; le rendez-vous culturel développe ses collaborations avec le continent et nourrit les échanges entre les artistes de tout horizon. Dans ce contexte, le Festival Gnaoua a participé récemment au «Marché des arts du spectacle d’Abidjan», le plus grand marché des arts de la scène en Afrique. À cette occasion, le festival a été présenté comme modèle «socio-économique de développement d’une ville à travers un événement culturel», explique Neila Tazi, productrice du festival.
Revendiquer les racines africaines de la culture arabe
Au fil des éditions, en plus des maîtres Gnaoua des différentes villes marocaines, l’événement a accueilli les plus grands de la scène africaine tels que Youssou N’dour (Sénégal), Amadou et Mariam (Mali), Bassekou Kouyaté (Mali), Toumani Diabaté (Mali), Doudou N’Diaye Rose (Sénégal), Oumou Sangaré (Mali), ou encore Ray Lema (Zaïre). Cette année, c’est un duo féminin de grand talent qui mène la danse : Asma Hamzaoui, jeune artiste gnaoui joue du guembri, un instrument traditionnellement réservé aux hommes. Elle se produira aux côtés de Fatoumata Diawara, qui poursuit son art malgré l’interdiction de pratiquer de la musique par les islamistes dans le nord du Mali, dont elle est originaire. Cette dernière préserve son héritage africain en tirant son inspiration de la tradition du chant wassoulou. Ensemble, elles offriront une fusion authentique qui sera sûrement l’un des temps forts du festival. «Depuis la naissance du festival, son caractère inédit lui confère une place de choix dans les événements culturels ayant confirmé au monde que l’Afrique est plus que jamais une terre de dialogue et de création», rappelle Neila Tazi, productrice du festival Gnaoua et Musiques du Monde.
La musique Gnaoua s’inscrit dans une tradition orale traditionnellement associée aux rites de possession des anciens. «Lors de la première édition du festival, le Gwana allait disparaître, mais les gens se sont réapproprié cela. Mais la musique africaine est aussi victime du formatage et pourrait perdre de sa richesse», explique Magali Bergès, ancienne manager d’artistes et grande habituée du festival.
Le festival Gnaoua fait aussi escale au Bénin avec BIM (Benin International Musical), un collectif d’artistes béninois. Un tourbillon de folie qui rend hommage à la musique des ancêtres du Dahomey : des rythmes vaudou, des chants traditionnels, avec des mélodies électriques bien pimentées et des sons modernes que le collectif partagera lors d’une fusion avec le maâlem Hassan Boussou.
Soutenir l’économie locale
Sur 3 jours de festival, plus de 300 artistes sont attendues pour environ 300 000 festivaliers. Une étude offerte par le Cabinet Valyans en 2014 a permis de démontrer l’intérêt d’un tel événement aux acteurs publics. «L’étude a conclu que chaque dirham qu’on apporte au festival en génère 17 dans l’économie locale», affirme Neila Tazi, fondatrice et productrice du festival. «La première édition tablait sur un petit budget qui n’excédait pas les 600 000 dirhams», explique-t-elle. Le rapide succès de l’événement a été le point de départ d’une dynamique nouvelle pour la ville d’Essaouira. Mais avant cela, Neila Tazi revient sur «une deuxième phase très difficile, où il fallait convaincre le secteur privé de nous suivre, car il ne fallait pas rêver à ce moment-là d’un soutien public. Heureusement, il y a eu l’aide de grands patrons visionnaires (…) et de grands opérateurs».
Aujourd’hui, 19 ans après, le budget du festival avoisine les 15 millions de dirhams, dont un donné par la ville, désormais convaincue de l’importance de celui-ci pour l’économie locale et la sauvegarde d’un patrimoine. En comparaison, le festival des Vieilles Charrues en France accueille le même nombre de visiteurs sur le même nombre de jours et coûte 65 millions d’euros. L’étude a montré également que le nombre de lits à Essaouira a été multiplié par 7 depuis le lancement du festival.
Et c’est toute la scène musicale africaine qui en profite. Certains pays sortent en effet leur épingle du jeu, comme le Nigeria qui s’est imposé sur la scène internationale ou encore le Mali et le Congo. Le Maroc a su faire de la mixité dans sa musique, c’est un très bel exemple de coopération culturelle. L’événement a permis de voir la diversité de la musique africaine, surtout avec l’explosion de la world music dans les années 2000. Une époque où les grands festivals ont émergé sur le continent africain et ont contribué à cette internationalisation, comme le MASA à Abidjan ou le festival des musiques sacrées qui se déroule actuellement à Fès.
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